L’hyperkératose est un épaississement anormal de la peau. Le terme médical « hyperkératose » désigne l’accumulation excessive de kératine à la surface de la peau lors du processus naturel et permanent de renouvellement de l’épiderme. La kératine est une protéine fibreuse soufrée très résistante qui constitue nos cheveux et ongles (phanères), mais aussi la couche cornée de notre peau, dont la fonction est de protéger l’ensemble du corps des agressions extérieures (rayons ultraviolets, agents chimiques et infectieux, allergènes, frottements, etc.).
L’épaississement anormal de la peau résulte d’une augmentation de l’épaisseur de sa couche cornée, la peau n’étant plus capable d’éliminer les cellules mortes en surcharge à la surface de l’épiderme. Ces zones de peau durcie, plus ou moins étendues, peuvent être dues à des affections dermatologiques telles que le psoriasis, l’ichtyose ou les kératoses pilaires, ou encore survenir à la suite de pressions et frottements répétés (hyperkératoses biomécaniques). Les callosités, cors et durillons sont l’expression la plus courante des hyperkératoses non liées à des maladies de la kératinisation.
Une couche cornée saine doit rester fine et souple. Elle est naturellement recouverte du film hydrolipidique, une émulsion complexe formée de sueur, sébum et résidus de la desquamation. La couche cornée, le film hydrolipidique et le microbiote forment ensemble la barrière cutanée qui protège la peau et la maintient hydratée. Toute hyperkératose exprime une peau ultra-sèche, vulnérable aux agressions.
Qu’elle soit due à un dysfonctionnement pathologique de la kératinisation (psoriasis, ichtyose…) ou à un épaississement de la peau à force de pressions et frottements répétés (callosités, durillons…), l’hyperkératose se traduit par une barrière cutanée qui ne peut plus jouer son rôle protecteur. Les zones de peau épaissies et structurellement sèches deviennent poreuses, se fendillent et offrent une porte d’entrée aux agents infectieux viraux, bactériens et fongiques.
On peut distinguer 4 familles de causes à l’origine des hyperkératoses :
Les maladies dermatologiques qui expriment des dysfonctionnements du processus de kératinisation ;
Certaines maladies systémiques ou infectieuses, ou encore la prise de certains médicaments peuvent entraîner la formation d’hyperkératoses ;
Les traumatismes répétés sur la peau provoquent des hyperkératoses dites biomécaniques ;
Le vieillissement cutané (ralentissement du renouvellement de l’épiderme ; dégâts dus aux expositions au soleil).
Les maladies dermatologiques qui relèvent de dysfonctionnements du processus de kératinisation sont le plus souvent d’origine génétique (héréditaires ou non), ou polygéniques (multifactorielles), faisant intervenir des facteurs génétiques, immunologiques et de milieu, qui exposent une personne à un risque accru de développer la maladie (c’est le cas pour le psoriasis). Parmi les hyperkératoses, on retiendra principalement :
Le psoriasis est une maladie chronique polygénique dont la cause est encore mal connue. Elle associe une susceptibilité génétique et des antécédents familiaux fréquents à une stimulation immunitaire des kératinocytes. Le psoriasis se caractérise par une inflammation de l’épiderme et du derme et une hyperprolifération des kératinocytes. Alors que le renouvellement de l’épiderme s’opère en 28 jours en moyenne dans une peau saine, il se réalise en 4 à 5 jours seulement chez une personne atteinte de psoriasis. Cette production excessive de kératine explique les plaques d’hyperkératose ainsi que l’apparition de squames qui ne peuvent plus être élimées de façon naturelle et invisible en raison de leur profusion.
De nombreux traitements existent selon la sévérité de la maladie : dermocorticoïdes, rétinoïdes, anthraline, analogues de la vitamine D3, immunosuppresseurs, immunomodulateurs, photothérapie… Les soins émollients et kératolytiques tiennent aussi une place majeure pour contrer la sécheresse et réduire l’épaisseur des plaques kératosiques et la formation de squames.
Les kératodermies palmoplantaires sont caractérisées par une hyperkératose touchant les paumes des mains et les plantes des pieds. Il ne s’agit pas d’une seule maladie, mais d’un ensemble hétérogène de pathologies cutanées. Elles peuvent être héréditaires ou dues à des génodermatoses telles que l’ichtyose ou l’épidermolyse bulleuse simple (maladies rares) ; elles peuvent aussi être acquises à la suite de maladies systémiques, d’infections, de la prise de certains médicaments ou encore en raison de traumatismes continuels. Le traitement s’appuie sur les hydratants émollients appliqués immédiatement après le bain ou la douche et sur les soins kératolytiques pour désagréger la corne en excès.
L’ichtyose est une maladie génétique rare et chronique qui se caractérise par une peau extrêmement sèche et rugueuse présentant des squames de façon continue. La maladie tire son nom du grec « ichtyos » qui signifie « poisson » du fait que la peau est recouverte de larges squames évoquant des écailles de poisson. L’ichtyose peut être congénitale ou apparaître dans la petite enfance ; elle peut aussi être acquise lors de maladies systémiques (certains cancers). Les rétinoïdes peuvent être prescrits dans l’ichtyose, mais la base du traitement en continu repose sur l’utilisation d’hydratants émollients et de kératolytiques.
La kératose pilaire est un trouble de la kératinisation très fréquent et totalement bénin, mais pouvant produire un inconfort et une gêne esthétique. Des petites papules kératosiques se forment sur les follicules pileux des bras, cuisses et fesses, donnant à la peau le relief d’une râpe du fait d’un tapis d’aspérités. La kératose pilaire est due à l’accumulation des cellules mortes de la couche cornée dans les follicules pileux, dont les orifices vont s’obstruer (bouchons cornés). La cause précise de la kératose pilaire n’est pas connue, mais ce trouble de la kératinisation a une origine génétique et souvent familiale. Il touche plus communément les femmes que les hommes, débute dans la petite enfance et s’atténue à l’âge adulte. Des rétinoïdes topiques sont couramment prescrits dans les kératoses pilaires ainsi que des soins kératolytiques à base d’urée, d’acide salicylique ou d’acides alpha-hydroxylés (AHA) tels que l’acide lactique et l’acide glycolique.
Lors de frictions et pressions répétées, au-delà de ce qu’elle peut supporter normalement, la peau va s’adapter en augmentant la production de cellules kératinisées ; elle va donc épaissir sa couche cornée pour rehausser son niveau de protection. C’est tout simplement ce qui se produit lorsque l’on marche beaucoup les pieds nus ou lors de travaux manuels traumatisants. Pour que les callosités, durillons et cors se forment, il faut que deux conditions soient réunies : une pression excessive et répétée par un objet externe (sol, outils…), et une saillie osseuse contre laquelle la peau sera comprimée. Ces hyperkératoses sont dites biomécaniques :
Les callosités se forment sur des surfaces assez étendues où la peau est déjà naturellement plus épaisse (paumes des mains et plantes des pieds). Les callosités sont superficielles et indolores en général. Leur épaisseur augmente avec l’ancienneté de la lésion. Certaines callosités sont en relation avec des professions spécifiques et touchent d’autres endroits du corps, toujours en regard d’un relief osseux : les carreleurs et poseurs de parquet, par exemple, ont fréquemment des callosités sur les genoux qui présentent un aspect psoriasiforme.
Le durillon est une callosité qui montre un durcissement de la peau, jaunâtre et rugueux. Il se situe souvent à l’avant de la voûte plantaire et sur les paumes et les doigts des mains. Mais il peut apparaître en d’autres endroits selon les traumatismes endurés : c’est par exemple le cas chez les violonistes au niveau de la clavicule et du bas de la mâchoire par le contact permanent de l’instrument avec la peau et en regard de reliefs osseux. Au niveau des pieds, les durillons peuvent être douloureux et entraver la marche. Il est recommandé de les traiter dès leur apparition.
Le cor dur est une hyperkératose circonscrite à un point de pression sur une petite surface. C’est une induration profonde et parfois douloureuse qui s‘enfonce dans le derme au contact des terminaisons nerveuses (on parle de clou kératosique). Il siège en général sur la face dorsale d’un orteil au niveau d’une articulation des phalanges.
L’œil de perdrix est un cor mou qui siège entre les orteils (espace interdigital où règne une macération). Il est le résultat d’un conflit entre deux articulations. Un point noir apparaît au centre de la lésion, d’où son nom « œil de perdrix ». Le cor mou est blanc et spongieux. Le traumatisme peut produire une inflammation et la création d’une bourse séreuse autour de l’articulation (hygroma). Les cors mous peuvent s’ulcérer.
Il faut d’abord tenter de supprimer le conflit à l’origine de pressions et de frottements sur les zones d’appui :
Corriger de mauvaises postures.
Avoir une hygiène méticuleuse, en particulier au niveau des pieds pour éviter toute macération.
Porter des chaussures plus confortables, éviter les hauts talons, ne pas porter les mêmes chaussures tous les jours pour éviter les contraintes aux mêmes endroits.
Porter des gants et coussinets de protection (ouvriers du bâtiment), des maniques pour protéger les mains des sportifs (gymnastes, haltérophiles ou adeptes du CrossFit), des semelles posturales et orthèses pour les danseurs, des pansements hydrocolloïdes de type « seconde peau » pour protéger les lésions, ou encore des séparateurs en tissu siliconé pour réduire les frottements ;
Prendre au sérieux l’apparition de durillons et cors en consultant un pédicure-podologue qui les traitera avec des instruments adaptés et de façon indolore. Dans certains cas, une intervention chirurgicale pourra être nécessaire (échec du traitement médical sur des déformations osseuses) ;
Hydrater au moins 2 fois par jour les zones sèches et kératosiques avec une crème hydratante émolliente (suffisamment grasse), idéalement après avoir exfolié la peau en douceur à l’aide d’une pierre ponce (sur les plantes des pieds et les paumes des mains) ;
Utiliser une crème kératolytique sur les zones épaissies : 1 à 2 applications par jour pendant une vingtaine de jours en massant bien les zones les plus dures ; prendre le relais au quotidien avec un hydratant émollient tout en continuant d’appliquer la crème kératolytique un à deux jours par semaine à titre préventif. Conçus avec des actifs tels que l’urée, l’acide salicylique ou des acides alpha-hydroxylés, les kératolytiques permettent d’obtenir des résultats en quelques jours en désagrégeant les amas de kératine .
La kératose actinique est une pathologie précancéreuse très répandue chez les personnes à peau claire (phototypes I-II) à partir de 50 ans généralement, mais parfois plus tôt. Elle résulte de l’accumulation tout au long de la vie d’expositions au soleil. En l’absence de traitement, les kératoses actiniques présentent un risque important d’évolution vers des cancers cutanés (carcinomes spinocellulaires). Les lésions de kératose actinique sont caractérisées par des reliefs surmontés de petites croûtes ou squames rugueuses avec un pourtour rouge ou rose. Elles siègent sur les zones photo-exposées, en particulier le dos des mains, le front, le nez, les oreilles et le cuir chevelu en cas d’alopécie, ce qui explique pour partie une incidence plus élevée chez les hommes (les travaux en extérieur sont aussi un facteur majeur).
Les kératoses actiniques peuvent être isolées ou multiples ; elles peuvent être regroupées pour former une plaque. En général, la peau montre d’autres signes de dommages cutanés dus au soleil tels que des lentigos solaires (taches brunes dites de vieillesse).
Les kératoses actiniques représentent un important sujet de santé publique. Elles doivent être prises au sérieux et traitées au plus tôt, d’autant que des solutions efficaces existent. Si les lésions sont isolées, elles peuvent être traitées par cryothérapie ou curettage ; lorsqu’elles sont multiples, une approche plus offensive doit être choisie : médicaments locaux cytostatiques ou immunomodulateurs, ou encore photothérapie dynamique (application d’un agent photosensibilisant, suivie d’une source lumineuse à une longueur d’onde correspondant au spectre d’absorption du photosensibilisant, afin de produire des radicaux libres destructeurs des lésions).
Fréquemment, des soins kératolytiques sont prescrits pour ramollir et nettoyer les lésions kératosiques avant le traitement médical, en particulier avant curettage et photothérapie dynamique.
Une peau déshydratée est une peau en manque d’eau du fait que le bilan entre « l’eau retenue » et « l’eau perdue » est défavorable en raison d’une Perte Insensible en Eau trop importante (PIE). La peau déshydratée est un état temporaire qui peut se manifester sur tous les types de peau (grasse, mixte, normale ou sèche). Chaque jour, notre peau laisse s’évaporer de façon normale entre 0,3 et 0,4 litre d’eau par ce phénomène de perspiration cutanée (PIE), sans compter la sueur. Une PIE trop importante sera due à :
Un film hydrolipidique qui ne joue plus son rôle de film gras (sébum) et occlusif limitant l’évaporation de l’eau ;
Une barrière cutanée altérée où la cohésion des cellules de la couche cornée n’est plus assurée : irritations, brûlures, fendillements, etc. ;
Un déficit en facteurs naturels d’hydratation (NMF), c’est-à-dire en molécules hygroscopiques, en capacité de retenir l’eau (urée, acide lactique, acide hyaluronique, acides aminés, glucides et sels minéraux).
Une peau sèche est une peau en manque de lipides. C’est une nature de peau, une peau nativement pauvre en lipides par le fait que ses glandes sébacées ne secrètent pas assez de sébum. C’est donc un état permanent et irréversible. La peau sèche se caractérise par des rugosités, une propension à desquamer davantage, des rougeurs et un inconfort plus ou moins constant. Elle peut être la cause ou la conséquence d’affections dermatologiques tels que l’eczéma par exemple.
L’urée (appelée aussi carbamide) est l’actif le plus employé en raison de son efficacité et de sa sûreté à des concentrations élevées. L’urée est un excellent humectant, doté d’un bon pouvoir de rétention de l’eau (constituant du NMF). À une concentration supérieure à 10 %, l’urée exerce une action kératolytique par sa capacité à disloquer les protéines de la kératine (effet protéolytique). Elle permet de réduire efficacement les plaques kératosiques et d’assouplir la peau.
L’acide lactique est un très bon hydratant (constituant du NMF) et est légèrement kératolytique à partir de 5 %, son utilisation en cosmétique étant limitée à 10 %.
L’acide glycolique procure un effet kératolytique à partir de 10 % et idéalement à une concentration de 15 % dans une solution à un pH acide (+/- 4). Comme l’acide lactique, l’acide glycolique doit être utilisé avec quelques précautions vis-à-vis de l’exposition au soleil.